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Estimation et cote de l'artiste Luigi Colombo, dit Fillia
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Fillia alias Luigi Colombo à la découverte de la peinture et de la poésie
Luigi Colombo est né en 1904 à Revello (province de Cuneo) en Italie. Fillia est le nom de jeune fille de sa mère, qu’il utilisera en tant que pseudonyme. Fillia fait ses classes à Turin, et très jeune, il commence en autodidacte à peindre et à écrire des poèmes. En 1922, il expose pour la première fois ses peintures au Garden Salon de Turin, avec le peintre Tullio Alpinolo Bracci. Cette année-là, ses premières poésies sont aussi publiées dans un recueil collectif de versification libre ; Fillia entre dans l’univers artistique qui sera le sien toute sa vie.
Fillia et le futurisme de Marinetti à Turin : le Second Futurisme
Très vite, le jeune Fillia participe à la vie culturelle d’avant-garde à Turin. Repéré par Filippo Marinetti, le fondateur du premier futurisme italien, Fillia fonde avec Bracci et Ugo Pozzo le Mouvement futuriste turinois, issu de la seconde génération de peintres futuristes, qui devient en 1923 le Syndicat des artistes futuristes. On appelle ce mouvement turinois le « second futurisme » ; il se développe surtout entre 1923 et 1938. Six artistes majeurs le forment : Fillia lui-même, mais aussi Mino Rossi, Nicolay Diulgheroff, Pippo Oriani, Enrico Alimandi et Franco Costa. À ceux-là, il faut ajouter le très actif et célèbre Enrico Prampolini.
Lorsque le Syndicat est créé, un manifeste, « L’arte Meccanica » (l’art mécanique) est publié dans la revue « Noi » (Nous) notamment par Enrico Prampolini (avec deux acolytes), afin de célébrer les « travailleurs » et les artistes futuristes ; le mouvement futuriste de Turin est aussi un mouvement artistique politisé, lié à l’idéologie syndicaliste et prolétarienne, aux débats suscités par Antonio Gramsci dans la Péninsule, un mouvement qui associe ces valeurs de gauche à la notion de « vie mécanique » chère au futurisme de Marinetti ( Marinetti dont le premier manifeste était plus tourné vers l’art que la politique).
En 1924, Bracci et Fillia publient un texte, « Futurismo » (Futurisme) dans la revue L’Impero, et en 1925 « La Pittura Spirituale » (la peinture spirituelle). Suivront des publications de tous les textes de Fillia (Luigi Colombo) organisées par les futuristes participant au Syndicat des artistes futuristes.
La carrière littéraire et théorique de Luigi Colombo, dit Fillia
En 1927, les futuristes sont acceptés dans les manifestations officielles de Turin (quadriennale), et ouvrent un café-théâtre nommé « Ambiente Novatore » (atmosphère innovante). En 1928 se tient la première exposition d’architecture futuriste, fondée notamment par Marinetti et Fillia qui y développent le concept de « plastica murale » repris des avant-gardes allemande et française et qui brise les frontières entre art et architecture. Cette année-là, le pavillon du futurisme, projeté par Prampolini et décoré par Fillia est présent à l’Exposition Universelle de Turin.
Fillia poursuit en parallèle son travail de théoricien du futurisme : en 1927, il créée la revue « Vetrina futurista » (la vitrine futuriste) afin de pouvoir débattre de ses idées, tout en communiquant avec les avant-gardes françaises et internationales, et notamment les post-cubistes qui s’inscrivent dans la même recherche que les futuristes (esthétique retraçant l’essor de la société industrielle et faisant l’éloge de la machine, du mouvement, de la ville moderne). Dans les poésies et romans de Fillia, cette esthétique est omniprésente. Fillia fonde la revue Città Futurista (ville futuriste) en 1929 et La Città Nuova (La ville nouvelle) ; en 1931, il supervise La Nuova architettura (l’architecture nouvelle), ouvrage dans lequel l’architecte futuriste Sant’Elia mais aussi Walter Gropius, fondateur de Bauhaus et Le Corbusier font l’éloge du rationalisme architectural. En 1934-35 il publie aussi avec Prampolini la revue « Stile futurista » (style futuriste). Il est vraiment l’animateur majeur du futurisme à Turin dans les années 20 jusqu’à sa mort en 1936.
L’évolution stylistique de la peinture de Fillia et les liens avec l’avant-garde parisienne
Fillia travaille dans la lignée de Giacomo Ballà et d’Enrico Prampolini, au début, fidèle à l’esprit futuriste de célébration de la machine et du mouvement. Puis, entre 1926 et 1930, il se rend régulièrement à Paris, où il découvre le travaille des cubistes, des post-cubistes et de la Section d’Or ; les oeuvres de Delaunay et d’autres de ces artistes de l’avant-garde française l’inspirent, et il se rapproche dans ses créations de l’abstraction géométrique. Il expose personnellement pour la première fois à Turin en 1929, à la Galerie Codebò. Dans ses peintures, la vie mécanique laisse peu à peu la place à une iconographie de l’intériorité, plus symbolique, à un certain lyrisme presque métaphysique qui se donne des airs du surréalisme, même s’il se sent proche des constructivistes : Fillia, qui se rend à Paris très souvent, participe aux expositions futuristes qui s’y tiennent, ainsi qu’à celle du groupe Cercle et Carré en 1930 à la Galerie 23. Il participe aussi au premier numéro, lancé par Michel Seuphor, de Cercle et Carré, la revue du groupe, ainsi qu’au numéro unique « Documents internationaux de l’Esprit Nouveau » en 1927.
Peinture cosmique et art sacré : la fin de carrière de Fillia
Dans les années 1930, Fillia se tourne vers l’« aéropeinture cosmique » après en avoir signé le manifeste avec Marinetti et d’autres, ainsi que vers l’art sacré. Il privilégie les compositions monumentales et les traite à la façon de grands paysages abstraits et symboliques. En 1931, Fillia signe avec Marinetti un manifeste de l’art sacré futuriste dans sa revue Oggi e domani (aujourd’hui et demain). Rejetés par les ecclésiastiques d’Italie, les tableaux futuristes d’art sacré ne peuvent franchir le portique des églises. Fillia expose ses premières toiles d’art sacré futuriste – dont il devient le plus grand représentant – à l’Exposition internationale d’art Sacré de Padoue en 1931, et à la Biennale de Venise en 1932 puis 1934.
Fillia meurt d’une longue maladie en 1936. L’animateur du second futurisme laisse ses amis artistes et lettrés combattre seuls l’idéologie fasciste en Italie à la lumière du modernisme culturel.
L’estimation des oeuvres de Fillia
Les oeuvres de Luigi Colombo alias Fillia sont rares sur le marché. En 2006, l’une de ses huiles sur panneau de 1930 a été vendue pour 81 000 euros (hors frais) à Paris. De manière générale, ses toiles sont estimées entre 4 000 et 30 000 euros selon date, qualité, dimensions, support.
Le record pour l’un de ses dessins a été atteint en 2012 pour 45 000 euros hors frais. Mais le plus souvent, les dessins de Fillia sont estimés entre 1000 et 13 000 euros, pour les compositions abouties et colorées.
(Illus.) Fillia (Luigi Colombo), The Drummer, 1927, Fondazione de Fornaris
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