Estimation et cote de l'artiste Hyacinthe Rigaud

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Origine et formation

Il naît à Perpignan en juillet 1659, dans la province du Roussillon, qui ne deviendra française que quelques mois plus tard (lors du traité des Pyrénées). Son nom catalan complet, Jacint Francesc Honorat Matias Rigau-Ros i Serra, est rapidement francisé en Hyacinthe Rigaud. De son père tailleur et de son grand-père décorateur-doreur, il hérite son talent esthétique. À la mort de son géniteur, Hyacinthe part se former à Montpellier, ville qui abrite une vie artistique intense. Il y découvre la peinture flamande, celle de Rubens et Van Dyck notamment, à laquelle son nom sera plus tard associé. À Montpellier, Hyacinthe Rigaud suit sans doute les cours d’Antoine Ranc – auquel l’Autoportrait au manteau bleu, daté de 1696, sera dédié. Ranc lui aurait déclaré : « jamais je ne saisirai comme vous la nature avec tant de précision. Vous avez été mon écolier, vous serez mon maître ; souvenez-vous de cette prophétie ! ». Quatre ans plus tard, Hyacinthe Rigaud part achever sa formation à Lyon et, en 1681, alors qu’il dispose déjà d’une solide clientèle dans le Midi et jusqu’en Suisse, il se lance à la conquête de Paris. 

Premiers succès parisiens de Hyacinthe Rigaud

Son succès y sera fulgurant. En 1682, il remporte le premier prix du concours de Rome avec Caïn bâtissant la ville d’Enoch, l’une de ses rares « peintures d’histoire ». Néanmoins, sur les conseils du peintre du roi Charles le Brun, qui l’a déjà remarqué, Rigaud ne se rend pas en Italie, préférant entamer une lucrative carrière de portraitiste. En 1683, son portrait d’Etienne Matheron, joailler de Monsieur, frère de Louis XIV, est jugé si réussi qu’on l’attribue d’abord à Antoine van Dyck. Les bourgeois fortunés qui font partie de ses premiers commanditaires admirent le naturel de ses visages, la vivacité de ses couleurs et de ses postures : « la vérité brillait dans tout ce qu’il faisait. Rigaud savait donner à ses portraits une si parfaite ressemblance, que du plus loin qu’on les apercevait, on entrait pour ainsi dire en conversation avec les personnes qu’ils représentaient. » 

Rigaud et l’Académie

 

En 1684, Hyacinthe Rigaud est agréé à l’Académie royale de peinture. Sa nomination en tant qu’académicien trainera cependant en longueur car, surchargé de commandes, il peine à rendre les deux portraits que lui réclame le jury de l’Académie ; quant à la peinture d’histoire qui lui permettrait de postuler dans cette catégorie prestigieuse, il ne la rendra que… quarante-deux ans plus tard (en 1742). 

Ce n’est donc qu’en 1700 que Hyacinthe Rigaud devient académicien puis professeur, poste qu’il ne remplit que de façon épisodique. En 1735, il démissionnera d’ailleurs de tous ses postes officiels, sans pour autant rompre avec la noble institution. Entretemps, les hommes les plus célèbres du temps se battent pour être croqués par lui : Jules Hardouin Mansart en 1685, Jean de La Fontaine en 1690, Jacques Bossuet en 1702, Antoine Coysevox et Nicolas Boileau en 1704, etc.

Hyacinthe Rigaud, portraitiste des têtes couronnées

C’est cependant grâce à ses portraits de cour que Hyacinthe Rigaud va entrer dans l’histoire. Bien qu’il n’obtienne pas le titre de peintre du roi à la mort de Le Brun, en 1690 (c’est Pierre Mignard qui est nommé), on peut considérer Rigaud comme le portraitiste officiel des Bourbons durant quatre générations. 

Sa représentation de Louis, grand Dauphin de France en 1697 – posant en habit militaire, bâton de commandement à la main, sur fond de bataille – lance un type de composition promis à un riche avenir. 

 

Dès 1694, Louis XIV lui-même sollicite les talents de Rigaud, qui s’impose particulièrement dans le somptueux Louis XIV en costume de sacre (1701, Musée du Louvre), aujourd’hui reproduit par tous les livres d’histoires. À la somptuosité des draperies cramoisies qui auréolent le monarque fait pendant le moelleux de l’hermine qu’il porte, tandis que sa pose majestueuse se voit contrebalancée par la finesse expressive du visage, mêlant majesté et bienveillance.

 

Hyacinthe Rigaud poursuivra sa carrière à la cour durant le règne de Louis XV, dont il ne réalisera pas moins de trois portraits – le premier l’année même de la mort du Roi-Soleil, en 1715, le dernier (conservé à Versailles), en 1727. De l’enfant au monarque fraichement sacré, on y voit évoluer la physionomie du Bien-aimé, très différente de celle de son arrière-grand père.

 

Les têtes couronnées d’Europe se pressent dans l’atelier de Rigaud : Frederick IV de Danemark en 1693, Charles XII de Suède en 1715 (peint non d’après nature mais à partir d’un autre portrait, le Suédois n’ayant pu se rendre à Paris) et, la même année, Auguste le Fort roi de Pologne. 

Le « Van Dyck français »

« Il a joint à l’aimable naïveté et à la belle simplicité de Van Dick une noblesse dans ses attitudes et un contraste gracieux qui lui ont été particuliers. Il a pour ainsi dire amplifié et étendu les draperies de ce célèbre peintre et répandu dans ses compositions cette grandeur et cette magnificence qui caractérisent la majesté des rois et la dignité des grands dont il a été le peintre par prédilection », écrira son filleul – ce qui vaudra à Rigaud le surnom de « Van Dyck français ». On estime à un millier le nombre de modèles qui ont sollicité Rigaud. En conséquence, celui-ci doit faire appel à l’aide de collaborateurs, spécialisés qui dans les paysages, qui dans les plantes, qui dans les fonds et ciels. Joseph et Gaspard Parrocel ainsi que Jean-Baptiste Belin de Fontenay appartiendront à son atelier. 

Ce travail « en commun » complique aujourd’hui l’attribution des toiles. 

La vie privée de Hyacinthe Rigaud

D’un naturel plaisant et agréable, Hyacinthe Rigaud était cependant affecté d’un fort bégaiement (« il lui faut un quart d’heure pour chaque mot », raillera la Princesse palatine). Il ne se mariera que sur le tard, en 1710 (un premier mariage, en 1703, est dissout sans être consommé), à cinquante ans passés, avec Elisabeth de Gouy, dont il n’aura pas d’enfant. Hyacinthe Rigaud décède en son domicile de la rue Louis-le-Grand à Paris, à la fin de l’année 1743. Sa fortune a été écornée par les dépenses liées à son atelier mais il laisse une riche collection d’œuvres d’art, parmi lesquelles plusieurs tableaux de Van Dyck. En 1820, le Musée Hyacinthe Rigaud est fondé à Perpignan, sa ville natale. 

Combien vaut une œuvre de Hyacinthe Rigaud?

Maître reconnu et prolixe, Rigaud bénéficie d’une cote confortable : en 2022, son Portrait de Pierre Vincent Bertin a été adjugé 420 000€ ! L’Autoportrait à la palette, pas moins expressif mais moins achevé, n’a, lui, pas dépassé les 45 000€. Beaucoup de toiles signées Rigaud sont en fait des travaux d’atelier : lorsque celui-ci est avéré, la cote s’en ressent et les prix se voient divisés par dix. Mais il est fréquemment arrivé, ces dernières années, que des œuvres portant le nom de Rigaud et estimées autour de 5000€ partent…. pour des sommes dix fois plus élevées.  Une expertise est donc souvent nécessaire.

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