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Estimation et cote de l'artiste Jacques Villon
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Dans la famille Duchamp, Jacques Villon et les autres
Jacques Villon, de son vrai nom Gaston Duchamp, est né en 1875 à Damville dans l’Eure. Presque toute la fratrie Duchamp (quatre enfants sur six) est promise à l’art des avant-gardes : Jacques Villon est le frère aîné de Marcel Duchamp, le célèbre père du ready-made, mais aussi de Raymond Duchamp-villon, sculpteur et peintre avec qui il exposera beaucoup, et de Suzanne Duchamp, peintre elle aussi, de mouvance dada.
Les enfants grandissent sous l’oeil pétillant du grand-père Emile Nicolle, peintre et graveur, qui les oriente vers la pratique artistique. Déjà tout petit, Jacques Villon est attiré par la gravure, et réalise ses premières estampes à l’âge de 16 ans ; la gravure est l’un des arts dans lesquels s’exprimera plus tard sa conception du cubisme, et qui fera son renom.
Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon à Paris
En 1894, Jacques Villon et Raymond Duchamp-Villon partent s’installer dans le Paris des avant-gardes. Jacques s’y inscrit en droit, mais vite il délaisse l’université pour l’atelier du peintre Cormon, boulevard de Clichy. Admirateur de François Villon et du poème « Jack » de Daudet, il adopte à cette époque le pseudonyme de Jack Villon, puis de Jacques Villon.
De 1895 à 1906, Villon vit à Montmartre et jusqu’en 1910 il travaille pour des revues comme l’Assiette au beurre ou le Courrier français, influencé alors par le trait de Toulouse-Lautrec (rencontré à l’atelier de Fernand Cormon). De nombreux artistes comme Juan Gris ou Louis Marcoussis survivent en illustrant les mêmes magazines, qui sont alors des viviers de talents incomparables où l’on retrouve un grand nombre de ceux qu’on appellera les « post-cubistes ». En parallèle de ce travail d’illustration, Jacques Villon fait de la gravure en noir et blanc. Dès 1904, il devient sociétaire du Salon d’automne, et membre du comité, qu’il ne quittera qu’en 1912 suite aux violentes critiques au sujet de son projet « La Maison cubiste » par le président du comité, Franz Jourdain.
L’installation à Puteaux de Jacques Villon : vers le cubisme du Groupe de Puteaux, dit de la « Section d’Or »
En 1905 Jacques et Raymond Duchamp-Villon tiennent leur première exposition en duo, à la galerie Legrip de Rouen. De plus en plus, Jacques se fait peintre, au détriment de la gravure, qu’il ne cessera d’exercer définitivement qu’en 1930.
En 1906, après Montmartre, Jacques Villon s’installe à Puteaux, où son frère Raymond Duchamp-Villon, ainsi que Frantisek Kupka le suivent. Comme tous les peintres de leur génération, ils sont attirés par le post-impressionnisme de Manet mais aussi par le fauvisme de Matisse, Derain et Vlaminck qui libère la palette de couleurs primaires.
Dans ces années-là, outre le fauvisme, le cubisme de Braque et Picasso, né en 1907, change la donne de la peinture à Paris. Dès 1911, sous l’égide de Marcel Duchamp, leur frère, auteur du célèbre (et cubiste) « nu descendant un escalier », les Villon se tournent à leur tour vers le cubisme et la géométrie des formes issue de l’héritage de Cézanne. L’atelier de Jacques Villon devient le centre du « groupe de Puteaux », composé d’artistes comme Jean Metzinger, Albert Gleizes, Francis Picabia ou Robert Delaunay, qui réfléchissent à une esthétique géométrisante proche du cubisme mais clairement lisible qui ne nierait pas la couleur, utilisant au contraire les innovations fauves de l’aplat de couleur pure pour composer leurs oeuvres.
1912 : Jacques Villon et la Section d’Or
En 1912, le groupe prend le nom de « Section d’Or » en référence à une loi de la renaissance exposée par Léonard de Vinci. Au Salon d’Automne les artistes de l’atelier de Jacques Villon proposent La Maison Cubiste, un projet d’aménagement d’intérieur monumental qui fait scandale. Villon et les autres claquent la porte et quelques jours après le début de l’exposition, ils ouvrent à la Galerie de La Boétie (en fait le corridor d’entrée d’un marchand de meubles) leur propre exposition, Le Salon de la Section d’Or. Y exposent Gleizes, Metzinger, Picabia, Villon et Duchamp-Villon, bien-sûr, et tous les jeunes artistes comme Léger et Delaunay désireux d’avancer dans la voie de la géométrisation du monde en peinture.
Cet événement marque un succès. Dès lors, Jacques Villon et ses acolytes exposeront partout en Europe et même dans le monde. En témoigne la participation de Villon en 1913 à l’Armory Show de New-York, où il expose et vend 9 tableaux. On note la présence de la toile « Nu descendant un escalier » de son frère Marcel Duchamp lors de cette exposition qui ouvre aux collectionneurs américains le marché parisien des avant-gardes et des post-cubistes. Cet élan est toutefois arrêté par la guerre, durant laquelle Villon est mobilisé (la Somme, la Champagne, jusqu’en 1918). Il exposera seulement en 1916 en Suède (Christiana, Oslo).
Un chemin difficile vers l’abstraction : du « cubisme évolué » aux années 30 d’Abstraction-Création
Comme beaucoup de post-cubistes, dont Georges Valmier ou Albert Gleizes, Jacques Villon opère une géométrisation des formes qui le mène naturellement vers l’abstraction.
Au sortir de la guerre, entre 1919 et 1922, on peut parler pour son travail de première période abstraite, appelée « cubisme évolué ». Il réalise de très nombreuses gravures et des tableaux, souvent peu colorés, exposés à New-York, et à Paris, où, avec Louis Latapie, il expose en 1922 à la galerie Povolotzky.
Entre 1922 et 1933, la situation de Villon est précaire. Il grave des oeuvres célèbres pour la galerie Bernheim-Jeune, et connaît tout de même quelques succès à New-York. En 1930 il abandonne la gravure, il ne sera plus que peintre. De 1931 à 1933 il se relance dans la peinture abstraite et adhère au groupe Abstraction-Création, fondé par Jean Hélion, Auguste Herbin et Georges Vantongerloo. S’ensuit un période de retour à la figuration, un peu moins audacieuse dans les formes, mais de plus en plus tournée vers la couleur, jusqu’à 1939, où il expose Galerie Charpentier pour le premier Salon des Réalités Nouvelles sous l’égide du couple Delaunay. Ce salon contribue à ancrer la nouvelle peinture dans l’abstraction et influencera fortement l’école de Paris émergente.
La fin de carrière de Jacques Villon est marquée par la reconnaissance nationale, et internationale. En 1935 ses oeuvres sont exposées au Petit Palais, en 1937 il reçoit deux diplômes d’honneur et une médaille d’or à l’Exposition internationale de Paris. Cette même année il est fait chevalier de la Légion d’honneur, et sera nommé Commandeur en 54. Ses toiles sont prisées aux Etats-Unis où de très nombreuses expositions sont organisées grâce au galeriste Louis Carré. En 1950, il reçoit la médaille du Carnegie, à Pittsburgh. En 1956, il reçoit le grand prix de la Biennale de Venise. Jacques Villon meurt en 1963, à Puteaux.
L’estimation des oeuvres de Jacques Villon
Si l’aura de Jacques Villon est immense pour le cubisme et le cheminement vers l’abstraction à partir de l’après-guerre, sa cote n’est toutefois pas à la hauteur de certains autres des post-cubistes.
Les toiles de Jacques Villon n’ont pas été si nombreuses, ces dix dernières années, sur le marché de l’art. Elles s’estiment entre 750 000 euros (pour la plus chère, vendue pour cette somme (hors frais) en 2016 à New-York), et 1 500 euros. En général, elles sont estimées entre 6000 et 15 000 euros, seules 25 toiles ayant franchi le cap des 20 000 euros. Ses plus belles gravures cubistes (pointe sèche) peuvent se vendre entre 15 000 et 50 000 euros, mais elles sont en général plus abordables. Les estimations sont plus basses lorsqu’on passe à ses reproductions gravées d’oeuvres célèbres. Ses dessins sont estimés jusqu’à 30 000 euros, le record (pour les dessins cubistes les plus intéressants, conçus comme des réalisations abouties) et 200 euros pour les esquisses et dessins d’illustrations de magazines.
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