Estimation et cote de l'artiste Jean Dunand

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Jean Dunand : un artiste précoce de Genève à Paris

Jules-John Dunand, qui francisera son nom en Jean Dunand, est né à Lancy, en Suisse, en 1877, dans une famille d’origine française. Dès 1891, le jeune Dunand entre à l’Ecole des Arts industriels de Genève. Après cinq ans d’études, couronnées du premier prix de ciselure en 1893, de la médaille d’argent des écoles municipales de Genève l’année suivante, et du Premier prix en 1895, il obtient en 1897 une bourse de la ville de Genève pour se rendre à Paris et y poursuivre ses études d’art. À son arrivée, il se met à travailler dans une entreprise de staff, modelage et décoration, où il rencontre le sculpteur Paul Jouve. En parallèle, il suit les cours du soir à l’Ecole nationale Supérieure des Arts Décoratifs dans l’atelier de Jean Dampt, qui le choisit, ainsi que son ami Carl Angst, pour poursuivre en petit comité leur apprentissage. Pendant les vacances, il rentre à Genève où il se forme chez un artisan aux subtilités de la dinanderie. Sous l’aile de Jean Dampt, qui invite régulièrement les jeunes artistes dans sa résidence de Touraine, Jean Dunand devient sculpteur. En 1900, il est présent à l’Exposition Universelle, pavillon suisse, où il expose la sculpture en bronze Quo Vadis et reçoit une médaille d’or.  

Jean Dunand et les arts décoratifs : de la sculpture vers la décoration et le laque avec le maître Sugawara

De 1903 à 1906, avec Dampt, Jean Dunand participe au réaménagement intérieur de la demeure de la comtesse de Béarn. Il est nommé membre associé de la Société nationale des Beaux-arts et à partir de 1906, il se tourne définitivement vers les arts décoratifs, à commencer par la dinanderie pour laquelle il obtiendra une médaille d’or à l’Exposition internationale de Milan cette même année. Reconnu par les Etats Suisse et Français pour son travail remarquable sur métal, Dunand enchaîne dès lors les titres. Il est présent à de nombreuses expositions d’envergure. En 1909, il contribue à former le groupe d’artistes décorateurs La Cimaise. C’est à cette époque qu’il change son nom en Jean Dunand. En 1910, Jean Dunand participe au salon des artistes décorateurs, mais il est également fait sociétaire du Salon d’automne, et encore une fois, l’un de ses vases en dinanderie est choisi pour aller rejoindre les collections du musée du Luxembourg. 

La carrière de Jean Dunand s’envole, et en 1912 a lieu un événement important : il rencontre le laqueur japonais Seizo Sugawara qui lui apprend les techniques du laque. Dunand est de toutes les expositions et de tous les salons, il réalise un très remarqué vase aux deux cobras mesurant plus d’1,30 m, ou la notoire pendule Caducée en partenariat avec Jean-Philippe Worth. 

La guerre met un terme à l’exceptionnelle ascension de Jean Dunand, pendant quelques années d’engagement au cours desquelles il perd un oeil et conçoit un nouveau casque à visière. 

Jean Dunand au sortir de la guerre : passion laque et récompenses

Jean Dunand continue de travailler le laque. Il est élu au jury du prix américain Blumentahl qui récompense les artistes français de la période. Dunand expose à New-York mais il se remet aussi à exposer en France aux salons habituels (artistes décorateurs, salon d’automne). Le style de Dunand se modernise, grâce à la géométrisation des formes qu’il opère. Dunand est chevalier de la Légion d’Honneur en 1919. En 1921, au Salon des Artistes Décorateurs, Jean Dunand peut enfin exposer l’oeuvre dont il rêve depuis plusieurs années, lui qui n’arrivait pas à intégrer totalement le laque à ses créations : un long panneau entièrement laqué, commandé par le peintre Henry de Waroquier, que Dunand a réalisé sur dessin de ce dernier (motifs de barques de pêcheurs et fond montagneux). En 1921, une exposition à la galerie Georges Petit fait date : Dunand y a réuni ses amis Paul Jouve, Jean Goulden et François-Louis Schmied, ami d’enfance de Dunand. Ces artistes sont les tenants les plus brillants du luxe Art Déco, et leur succès est fulgurant, à tel point qu’ils recommencent plusieurs années de suite à exposer ensemble. 

Jean Dunand se diversifie : la mode, le mobilier, les paquebo

Dunand japonise et géométrise son style ; usage de coquille d’oeuf, du contraste rouge et noir, le modernisme de ses dinanderies  sur cuivre s’accroît. Le créateur se lance dans la mode, créant des bijoux pour Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli ou Madame Agnès. En 1925, à l’Exposition des Arts décoratifs et industriels modernes, il est présent, vice-président de la section Métal. Outre ses vases de dinanderie, c’est son talent de laqueur qui est visible : le fameux bahut de Jacques-Emile Ruhlmann, l’un des plus grands créateurs de l’Art Déco, est recouvert d’une laque noire par Jean Dunand. Dans le pavillon de la Société des Artistes Décorateurs, Jean Dunand réalise l’ensemble du fumoir du projet d’« Ambassade française à l’étranger », un grand succès. Fort de cette ascension, Jean Dunand devient en 1926 vice-président de la Société des Artistes décorateurs, refusant d’en prendre directement la tête. Cette même année, il présente 17 paravents lors de l’exposition annuelle avec ses trois amis à la galerie Georges Petit, un exploit qui se renouvellera dans le temps. 

À partir de 1927, Jean Dunand va participer aux chantiers des plus beaux paquebots français. Il commence par l’Ile-de-France, puis l’Atlantique, dès 1930. De plus en plus, il travaille pour les grands mécènes américains : Joséphine Baker, mais aussi la société Lord & Taylor, puis le milliardaire Templeton Crocker dont il réaménage la demeure de San Francisco avec Jean-Michel Frank. Retenu pour l’Exposition coloniale de 1931 (Vincennes), il réalise un ensemble de décoration pour un vestibule colonial, d’abord présenté à Paris, au Salon des Artistes Décorateurs de 1930, qui connaît un succès retentissant. Jean Dunand y sera honoré d’un grand Prix, et il offrira à l’Etat français la majeure partie de ses décorations réalisées pour l’occasion. 

Jean Dunand, une référence de l’Art Déco

En 1932, après un voyage en Italie où il découvre les mosaïques de Ravenne, Jean Dunand se lance dans cette discipline, car l’inaltérabilité de la mosaïque lui plaît. En 1933, il reçoit une prestigieuse commande de cartons de tapisseries pour la manufacture des Gobelins. En 1935, le paquebot Normandie est présenté au public ; à l’intérieur, un fumoir et une partie des pièces de la première classes sont signées Jean Dunand, ornées des panneaux de laque unie dorée ou de laque polychrome gravée de l’artiste. Dans le jury de l’Exposition Universelle de 1937, Jean Dunand est aussi nommé professeur de laque, et est exposé au pavillon de la Société des Artistes Décorateurs. 

Jusqu’à l’année de sa mort, en 1942, Dunand continue à travailler les panneaux de laque, les vases martelés en cuivre, à être exposé en France et à l’étranger. La veille de sa mort, il travaillait encore à un large panneau laqué représentant l’église d’Estaing (Lot). 

L’estimation des oeuvres de Jean Dunand

Le travail de Jean Dunand est très coté et très prisé des collectionneurs. Le record d’enchère a été remporté en 2021 à Londres, lorsqu’un ensemble de revêtement mural en bois laqué et métal de 1930-36, intitulé « Les Palmiers », et originellement destiné à la résidence de Melle Colette Aboucaya, a été acquis pour la somme de 3 145 200 euros hors frais (soit près de 3 millions 900 000 euros avec). 

L’un de ses panneaux de laque de 1930, représentant une baigneuse (274,3 x 189,2 cm) a été acquis pour 910 200 euros hors frais en 2015 à New-York. 

Quant au record pour l’une de ses dinanderies, c’est un vase de 51,5 cm de hauteur, daté vers 1925, en métal laqué et coquille d’oeuf, qui s’est vendu en 2012 pour la somme de 578 500 euros hors frais à New-York. Si certaines de ses oeuvres connaissent de tels records, il est à noter que les prix sont extrêmement variables. Certaines coupelles en dinanderie simple sans laque se sont par exemple récemment vendues autour de 600 euros hors frais pièce. 

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(Illus.) Autoportrait de Jean Dunand 

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