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Estimation et cote de l'artiste Jean-Michel Frank
Jean-Michel Frank (1895-1941) est un décorateur français. Il a notamment aménagé les riches intérieurs d’une élite parisienne et américaine. Il est connu pour son minimalisme.
Comment estimer une œuvre de Jean-Michel Frank
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L’art minimaliste de Jean-Michel Frank
L’histoire familiale de Jean-Michel Frank est teintée de tragédies. Notamment en 1915, lorsque ses deux frères meurent à la guerre puis que son père se suicide. Jean-Michel Frank hérite de la fortune de son père et d’une mélancolie perpétuelle. Il grandit dans un milieu bourgeois et en 1921, à 26 ans, il se lance dans la décoration. Il commence par décorer les appartements de ses amis : Pierre Drieu la Rochelle et Charles Peignot. Son style est au dépouillement. Il cherche une respiration des lieux. Il retire le trop-plein de décorations. Il détourne aussi les usages. Les coloris ne doivent pas agresser la vue. Le blanc ou le beige, toujours mats, sont de rigueur. Ses choix favorisent le recueillement, le lieu se transforme en refuge. En 1926, il est engagé pour l’aménagement de l’hôtel particulier de Charles Vicomte de Noailles et de Marie-Laure de Noailles.
Il se charge en particulier d’un grand fumoir, d’une antichambre et d’un boudoir. Il s’agit d’un palais de style Louis XIV. Jean-Michel Frank vient ici casser les conventions de la demeure aristocratique. Il épure et allège par son minimalisme. Sobriété, onirisme, rigueur, délicatesse et étrangeté des proportions décrivent le style de Jean-Michel Frank. Il aime aussi faire des mélanges inattendus de matériaux. Ici, il couvre les murs de parchemin, les tables d’appoint sont en marqueterie de paille, il choisit le bronze pour les portes et le quartz pour les lampes. La nudité qu’il crée ne passe pas inaperçue et la critique le salue. Dans un entretien donné en 1973 pour le magazine Vogue, Yves Saint Laurent évoque ce grand fumoir comme « la huitième merveille du monde ».
La popularité de Jean-Michel Frank
La ligne stylistique épurée de Jean-Michel Frank dénote et séduit. Il est à l’origine de la célèbre table Parsons. Il s’agit d’une table dont les pieds ont la même épaisseur que le plateau. Il s’en dégage une simplicité moderne. Mais il devient aussi rapidement le décorateur de plusieurs artistes du Surréalisme. Il dévoile alors un autre registre décoratif, une autre palette aux couleurs saisissantes. Pour son amie Elsa Schiaparelli, il utilise aussi de nouveaux matériaux dont le caoutchouc. Il fait aussi appel à d’autres artistes pour ses aménagements intérieurs.
Par exemple, pour la salle de bal du baron Roland de l’Espée, il fait appel à Salvador Dalí. Il y intègre l’iconique Canapé Boca en forme de bouche pulpeuse et d’un rouge vif. À la fin des années 1920, Jean-Michel Frank s’associe avec le décorateur et ébéniste Adolphe Chanaux. Parallèlement, il débute une collaboration avec les frères Giacometti. Ce travail d’équipe est fertile. Jean-Michel Frank produit des meubles, des luminaires, des objets, etc. Il connaît encore un franc succès. En 1935, il ouvre sa boutique, rue du Faubourg-Saint-Honoré. Là, il travaille à la création des décors pour une clientèle prestigieuse. Il revisite de nombreux intérieurs parisiens. Il aménage des showrooms de maisons de couture et de parfums. Il est choisi pour le salon de musique de Cole Porter et la bibliothèque de Mimi Pecci-Blunt. Il est en charge de l’intégralité de l’hôtel particulier du banquier André Meyer. Et cette effervescence ne se limite pas à la France.
Le luxe de Jean-Michel Frank à l’étranger
Des milliardaires américains font aussi appel à Jean-Michel Frank pour l’aménagement intérieur de leurs demeures. Jean-Michel Frank décore la Templeton Crocker’s house de San Francisco ou encore l’appartement de Nelson Rockefeller à New York en 1938. Durant les années de l’entre-deux-guerres, Jean-Michel Frank a offert à l’élite des refuges, du repos, du silence, un isolement, un retrait, une pause. Le tout en harmonie et très sophistiqué. C’est une réponse à un surplus de décors encore très présents dans la tendance de l’époque. Jean-Michel Frank fuit le clinquant, l’extravagant, le m’as-tu-vu, le too-much et surtout la vulgarité. Son style fait ainsi évoluer les modes et les formes sans que son influence ne soit toujours reconnue.
La guerre de 1939 finit par éclater. En 1940, Jean-Michel Frank s’exile à Buenos Aires où il poursuit son travail. Il collabore avec la maison Comté (édition de meubles). Il mélange le savoir-faire et les matériaux sud-américains à son bagage stylistique très parisien. Il compose notamment un pavage de tesselles en pierres brésiliennes polychromes. Il reproduit là un parquet « à la Versailles » et le résultat est somptueux. En 1941, il retourne à New York. Là-bas, il retrouve une partie de l’intelligentsia européenne en exil comme lui. Mais les temps ont changé. C’est la fin d’une époque. Son heure de gloire est révolue. Jean-Michel Frank a 46 ans. Le 8 mars 1941, il décide de mettre fin à ses jours, comme son père. En décembre 2022, la mairie de Paris fait apposer une plaque commémorative sur la façade de la maison où il vécut Rue de Verneuil.
Faire estimer gratuitement une œuvre de Jean-Michel Frank
Les créations Jean-Michel Frank ont une forte cote actuellement. Les pièces atteignent souvent plusieurs centaines de milliers d’euros et dépassent même le million d’euros parfois. En 2014, c’est un record de vente pour un cabinet adjugé à plus de 3 millions d’euros. Le 11 mars 2014, un Cabinet (c. 1935), en bronze patiné, pièce unique, 109 x 75,5 x 22 cm, s’est vendu à 3.200.000€, à Paris. Le 28 mai 2019, un ensemble de Fauteuils (c. 1928), en bois, gainé de galuchat, garniture tissu, 67,5 x 64,7 x 63 cm, s’est vendu à 1.300.000€, à Paris. Le 6 juin 2022, un important Cabinet (c. 1925), en bois, marqueterie de paille, bois de peroba jaune irisé, bois d’avodiré, 149,5 x 140 x 39 cm, s’est vendu à 1.121.340€, aux États-Unis.
Le 6 juin 2022, un ensemble de Fauteuils clubs (c. 1939), en chêne, cuir de sellerie, 81 x 98 x 81 cm, s’est vendu à 654.115€, aux États-Unis. Le 22 novembre 2022, une Table basse Aragon (1928), en chêne sablé, 29 x 131 x 53 cm, s’est vendue à 510.000€, à Paris. Le 12 mai 2022, une Lampe de table, unique, c. 1929, en verre, cristal de roche et bronze doré, 22,8 cm, s’est vendue à 375.788€, à Londres.
(Illus.) Jean-Michel Frank, Fauteuil Club, 1939.
Exposé au Cleveland Museum of Art, États-Unis.
CC BY-SA 2.0, Tim Evanson from Cleveland Heights, Ohio, USA
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