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Estimation et cote de l'artiste Edgar P Jacobs
Edgard Félix Pierre Jacobs, dit Edgar P. Jacobs (1904-1987), est un auteur de bande dessinée belge, principalement connu pour la série Blake et Mortimer, publiée pour la première fois dans le journal Tintin en 1946. Artiste lyrique contrarié, aspirant à faire carrière dans le spectacle, c’est obligé qu’Edgar P. Jacobs se tourne vers la bande dessinée. Il sublime néanmoins son dessin en faisant de ses récits de véritables « grands opéras », où « chacun comporte ses héros, ses traîtres, un père noble ou un grand prêtre, ses chœurs et même ses ballets, ainsi que ses décors qui donnent l’ambiance ». Découvrez ici l’histoire de Edgar P. Jacobs et ses œuvres emblématiques. Besoin d’une expertise Edgar P. Jacobs ? Contactez l’équipe d’Estimon’objet !
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La jeunesse d’Edgar P. Jacobs et la naissance de son goût pour l’art
Edgar P. Jacobs se passionne très tôt pour le dessin. Dans sa jeunesse, il est marqué par les gravures de Gustave Doré et par les illustrateurs de récits comme Henri Lanos, Edmond Dulac ou encore René Lelong. Il réalise ses premiers dessins à l’encre de Chine, cette activité étant la seule récréation qu’on lui autorise. Il grandit en effet dans une atmosphère studieuse, qui est aussi pour lui l’occasion de lire des livres de géographie, d’histoire et de sciences qui l’enthousiasment. Edgar P. Jacobs montre également un goût prononcé pour le spectacle et la musique. Il est un amateur d’opéra, de cinéma et de théâtre, dans lesquels il trouve une part de mystère qui le fascine. À douze ans, il est bouleversé par une représentation de Faust de Charles Gounod, où « tout étant joué, chanté en même temps », il se sent « comme envoûté ».
En 1919, il intègre l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. C’est une période durant laquelle il est influencé notamment par Dürer, Holbein et Clouet, de grands maîtres dont il juge le dessin rigoureux et parfait d’un point de vue esthétique. Il admire aussi la grande peinture d’histoire du XIXe siècle.
La première carrière d’Edgar P. Jacobs dans la musique
À partir de 1921, Edgar P. Jacobs commence à exercer de petits métiers : il travaille en tant que dessinateur de bijoux, d’orfèvrerie, de broderie et retoucheur de photographies. Il devient également figurant au Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles, puis choriste au spectacle du Casino de Paris avec la célèbre artiste de music-hall Mistinguett. Il réalise en parallèle des illustrations pour des catalogues, tels que ceux pour les Grands Magasins de la Bourse.
De retour d’un an de service militaire en 1925, Edgar P. Jacobs décide de se consacrer à une carrière de chanteur d’opéra. Tout en poursuivant son travail dans l’illustration, il étudie ainsi le chant au Conservatoire royal de Bruxelles. En 1929, il remporte le grand prix d’excellence de chant puis est engagé la même année par l’Opéra de Lille. Il s’y produit pour de célèbres opéras, notamment pour Aida, Lakmé ou encore Manon. À ces occasions, on retient ses dessins de décors et de costumes pour différents spectacles. Cependant, la Seconde Guerre mondiale marque un arrêt dans la carrière d’artiste d’Edgar P. Jacobs : les cachets de moins en moins fréquents et le rythme du métier le poussent à renoncer à la scène. En 1940, il se tourne donc vers l’illustration pour en vivre.
Le début d’une carrière de dessinateur
En 1941, Edgar P. Jacobs est engagé en tant que dessinateur dans l’hebdomadaire Bravo !, un magazine destiné à la jeunesse publiant des contes, des nouvelles et des romans, ainsi que des bandes dessinées américaines telles que Félix le Chat et Flash Gordon. Mais avec l’entrée en guerre des États-Unis, l’importation des publications américaines prend fin en 1942. La rédaction de Bravo ! demande alors à Edgar P. Jacobs de proposer une suite à Flash Gordon, une bande dessinée de science-fiction dessinée par Alex Raymond qui connaît un grand succès. Son travail est une réussite, à tel point qu’on lui demande de produire une nouvelle série exclusive au journal dans la lignée de Flash Gordon.
En 1943, Edgar P. Jacobs élabore donc son premier album de bande dessinée avec Rayon U. S’il suit dans un premier temps le style d’Alex Raymond, il s’en affranchit au fil des planches pour développer son propre imaginaire, convoquant des références littéraires qui lui sont propres, notamment Le Monde Perdu de Sir Arthur Conan Doyle. Rayon U rencontre un grand succès auprès des lecteurs de Bravo !.
La collaboration avec Hergé
Convaincu par la qualité des planches de Rayon U qui témoignent d’une véritable attention portée à la couleur et aux décors, Hergé engage en 1944 Edgar P. Jacobs en tant que décoriste et coloriste. Il le charge de réaliser la colorisation des premiers albums des Aventures de Tintin demandée par l’éditeur Casterman, en particulier de Tintin au Congo, Tintin en Amérique, Le Lotus bleu et Le Sceptre d’Ottokar. Edgar P. Jacobs travaille également sur Le Trésor de Rackham le Rouge, Les Sept Boules de cristal et Le Temple du Soleil. En 1946, Edgar P. Jacobs fait partie de l’équipe fondatrice du journal Tintin. Il y signe des illustrations du roman La Guerre des mondes de H. G. Wells, publié en feuilleton, ainsi que Le Secret de l’Espadon, la première aventure de sa série de bande dessinée Blake et Mortimer. Un an après, Edgar P. Jacobs cesse sa collaboration avec Hergé pour se consacrer à ses propres productions.
Blake et Mortimer : le grand succès d’Edgar P. Jacobs
De 1946 au début des années 1970, Edgar P. Jacobs publie dans le journal Tintin huit aventures de Blake et Mortimer, dont Le Secret de l’Espadon (1946-1949), Le Mystère de la Grande Pyramide (1950-1952), La Marque jaune (1953-1954) et L’Énigme de l’Atlantide (1955-1956). Inscrivant l’intrigue dans les années 1940 à 1960, ces récits mettent en scène les aventures de Philip Mortimer, un spécialiste en physique nucléaire, et de Francis Blake, un ancien pilote de la Royal Air Force et agent du MI5, le service britannique de renseignement. Ils sont régulièrement confrontés à Olrik, le principal antagoniste de la série.
Ces histoires oscillent entre réalisme et science-fiction, mettant en scène des inventions scientifiques hors du commun et des mondes fantastiques. Les bandes dessinées d’Edgar P. Jacobs ont selon lui pour but « de dépayser, de faire jouer l’imagination, mais aussi d’inciter à la réflexion ». Le lecteur a donc la possibilité d’apprendre tout en se distrayant, à travers des scénarios denses, inventifs et crédibles. Pour le scénariste belge Yves Sente, Edgar P. Jacobs n’a en ce sens « jamais hésité à aligner du texte », ce qui témoigne de son goût pour le théâtre et l’opéra. Pour lui, « cela explique aussi la présence de codes stricts dans la gestuelle des personnages » comme les costumes revêtus à de nombreuses reprises.
Le style graphique de Blake et Mortimer
Si les premiers albums de Blake et Mortimer sont marqués par une influence d’Alex Raymond, l’auteur de Flash Gordon, le dessin s’oriente dès le deuxième album, Le Mystère de la Grande Pyramide, vers un trait plus clair et moins réaliste, inspiré d’Hergé. La troisième aventure de Blake et Mortimer, La Marque jaune, constitue une nouvelle rupture : Edgar P. Jacobs renonce au graphisme sobre de la ligne claire pour un réalisme expressif et précis. Malgré le nombre restreint d’albums, Blake et Mortimer est l’un des plus grands succès de la bande dessinée franco-belge. À la mort de l’auteur, la série est reprise par plusieurs auteurs, dont Jean Van Hamme et Yves Sente au scénario, Ted Benoit et André Juillard au dessin.
Quelle est la cote d’Edgar P. Jacobs sur le marché de l’art ?
En 1984, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, Edgar P. Jacobs crée la Fondation Jacobs à laquelle il confie ses originaux afin d’« éviter la dispersion anarchiste » et « la mainmise par certains affairistes ». Il s’agit de pas moins de 700 planches et des centaines d’esquisses et de calques qui sont placés dans les sous-sols de la banque Lambert de Bruxelles. Mais en 2015, après la dissolution de la Fondation, devenue ingouvernable, on découvre qu’il manque au moins 200 planches, dont seulement une quinzaine auraient été vendues aux enchères ces dernières années. Une planche originale de Blake et Mortimer vaudrait ainsi a minima 60 000 € : en 2010, l’original numéro 35 du Mystère de la grande pyramide s’est ainsi vendu ainsi à 105 500 € ; en 2015, la planche numéro 8 de La Marque jaune a atteint pour sa part 205 500 €. Des strips (des bandes dessinées de quelques cases) de Blake et Mortimer sont également présents sur le marché, pour une estimation entre 9 000 et 18 000 €. Les dessins originaux d’Edgar P. Jacobs se vendent entre 3 000 et 9 000 €. Quant aux sérigraphies et lithographies, celles-ci sont estimées entre 200 et 900 €.
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(Illus.) Cartel : Extrait de l’album Le Mystère de la Grande Pyramide, série Blake et Mortimer, Edgar P. Jacobs, Les Éditions du Lombard, Belgique, 1950-1952
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