Estimation et cote de l'artiste Marjane Satrapi

Marjane Satrapi est une auteure de bande dessinée engagée. Bien qu’elle ne le revendique pas clairement, son œuvre met à l’honneur les femmes iraniennes, qui, depuis les années 1970, se battent pour leurs libertés. C’est d’ailleurs cet aspect précis de son œuvre qui est apprécié par ses admirateurs et lui permet d’être reconnue sur la scène internationale. 

La mémoire de son pays et des combats du peuple iranien sont essentiels. Elle se place dans la lignée de ceux qui s’efforcent de rendre perpétuels les événements que l’actualité instantanée écarte. Découvrez ici l’histoire de Marjane Satrapi et ses œuvres emblématiques.  Besoin d’une expertise Marjane Satrapi ? Contactez l’équipe d’Estimon’objet !

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L’enfance de Marjane Satrapi, entre l’Iran et l’Europe  

Marjane Satrapi est une artiste, auteure de bande dessinée et réalisatrice franco-iranienne, née le 22 novembre 1969 à Rasht, en Iran. Elle grandit dans un contexte de restriction croissante des libertés individuelles au moment de la révolution islamique et de la guerre Iran-Irak. Sa famille est sympathisante du parti communiste et son oncle, dirigeant du parti communiste iranien, est exécuté pour ses opinions politiques. À partir de 1984, Marjane Satrapi multiplie les allers-retours entre son pays natal et l’Europe. En Autriche, elle étudie au lycée français de Vienne. De retour en Iran en 1988, elle obtient une maîtrise de communication visuelle à l’école des Beaux-Arts de Téhéran. En 1994, elle est diplômée de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg.

Le début de carrière de Marjane Satrapi est semé d’embûches. Elle fait plusieurs tentatives de publications de livres pour enfants mais se retrouve obligée de multiplier les emplois. Son entrée dans l’Atelier des Vosges est un véritable tremplin pour Marjane Satrapi. C’est un groupe d’auteurs de bande dessinée qui travaillent dans un même lieu à partir de 1995. Aux côtés d’Emile Bravo, Fabrice Tarrin, Christophe Blain, Joann Sfar, Frédéric Boilet et David B., Marjane Satrapi prend goût à la bande dessinée.

Le roman graphique remis à l’honneur par Marjane Satrapi

La lecture du roman graphique Maus par Art Spiegelman, qui raconte l’horreur de la Shoah et des camps de concentration juifs, est une révélation pour Marjane Satrapi. Elle est particulièrement touchée par sa manière de raconter des événements de crise avec une touche d’humour. Le roman graphique devient alors le format privilégié pour le récit mémoriel. Marjane Satrapi publie Persepolis, une bande dessinée autobiographique, en noir et blanc. Dans les quatre volumes, publiés entre 2000 et 2003 par L’Association, l’auteure raconte son enfance et sa jeunesse entre l’Iran de la révolution islamique et l’Europe des années 1980-1990. Vendue à plus d’un million d’exemplaires et traduite dans de nombreuses langues, cette œuvre la hisse sur la scène internationale de la bande dessinée.

 La série est le plus grand succès éditorial de la bande dessinée alternative européenne des années 2000 et le plus gros succès de l’éditeur. Avec Persepolis, Marjane Satrapi pose les bases de son style, qu’elle poursuit dans ses bandes dessinées postérieures : des dessins en noir et blanc, sur fond noir ou blanc, des décors non détaillés qui laissent plus de place au texte. L’image sert de support au texte. Cette particularité de Marjane Satrapi montre son goût pour la narration, alors que la plupart des auteurs de bande dessinée accordent plus de place au dessin. Elle emploie plusieurs registres de langue : courant, familier et parfois vulgaire.

Persepolis est très bien reçu par la critique et les lecteurs. Aux États-Unis, le deuxième tome se classe parmi les meilleures ventes de romans graphiques en 2004. En 2010, le Newsweek place la série à la cinquième place des dix meilleurs ouvrages non-fictionnels de la décennie. Cette bande dessinée est même devenue un manuel dans les académies militaires pour comprendre les enjeux du Moyen-Orient. L’auteure reçoit plusieurs distinctions dans divers pays dont la Suède, la Norvège et l’Allemagne. Dans la foulée de la publication de Persepolis, Marjane Satrapi publie deux bandes dessinées qui se déroulent en Iran : Broderies, publiée en 2003 et Poulet aux prunes en 2004. Ces albums sont aussi traduits dans plusieurs langues et récompensés à l’international. Le premier est récompensé du Prix suédois Urhunden du meilleur album étranger, en 2007. Le second reçoit le Prix du meilleur album au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, en 2005. En 2015, elle reçoit le Prix suédois Adamson du meilleur auteur international pour l’ensemble de son œuvre.

Marjane Satrapi, artiste multiple

Marjane Satrapi est une artiste multiple, c’est-à-dire que sa production artistique n’est pas limitée à celle de la bande dessinée. Elle est aussi reconnue pour sa production cinématographique et picturale.

Sa production cinématographique

Après le succès de ses premiers romans graphiques, Marjane Satrapi décide de se consacrer au cinéma. Elle co-réalise avec Vincent Paronnaud deux adaptations de ses œuvres. Le dessin animé Persepolis, réalisé en noir et blanc, est primé au Festival de Cannes en 2007 et aux Césars en 2008. Sa sélection sur la croisette a agité les relations diplomatiques entre les autorités iraniennes et le gouvernement français, bien que le comité de sélection soit indépendant. Plusieurs films iraniens avaient déjà été sélectionnés à Cannes mais ici c’est une évocation directe, à charge, de la révolution iranienne de 1979. Son album, Le poulet aux prunes, fait aussi l’objet d’une adaptation cinématographique en 2011.

Sa production picturale dédiée aux femmes

La peinture occupe une place chère dans le cœur de Marjane Satrapi. Elle peint déjà, en pratique amateur, lorsqu’elle décide de se consacrer à la bande dessinée. Elle dédie son œuvre aux « femmes fortes » qui ont marqué sa vie, « pour les rendre éternelles, pour ne pas les oublier ». Ce sujet unique, les femmes, est une obsession pour l’artiste. Elles incarnent, selon Marjane Satrapi, la beauté. Son ambition n’est pas de faire une peinture engagée ou conceptuelle. Elle préfère la peinture figurative pour « créer du beau comme les peintres anciens ».

Sa peinture est caractérisée par des aplats de couleurs explosives. Sa palette est réduite à quatre couleurs : rouge, bleu, rose et noir, elles-mêmes résultats d’un mélange d’au moins cinq ou six couleurs. Ses inspirations ne sont autres que le pop art et particulièrement Jasper Johns. Elle est aussi marquée par les œuvres d’Henri Matisse, Félix Vallotton et Balthus. Contrairement à ses dessins de bande dessinée, Marjane Satrapi accorde, dans sa peinture, une attention particulière aux ombres pour donner un caractère cinématographique à l’image. 

Les sources de lumière sont multiples et proviennent de différents endroits pour éclairer différentes parties de la composition. L’idée générale est de créer une sensation de légèreté et de gaieté qui peut être troublée à tout moment. Pour l’artiste, la peinture est un espace de liberté. Contrairement à la bande dessinée où la narration est nécessaire, la peinture n’a pas besoin de se soucier de la compréhension de l’histoire par le spectateur. Les seuls indices de lecture donnés par l’artiste sont les titres énigmatiques de ses toiles. En 2013, Marjane Satrapi expose pour la première fois ses toiles, à la galerie Jérôme de Noirmont à Paris. En 2020, elle renouvelle l’expérience à la galerie Françoise Livinec avec son exposition « Femme ou Rien ».

Marjane Satrapi, porte-parole de l’actualité

Marjane Satrapi participe à l’actualité. En 2021, elle est mandatée par le ministère de la Culture français pour concevoir le dessin d’un triptyque d’une tapisserie aux dimensions imposantes, tissée par la manufacture des Gobelins pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Sur fond de tour Eiffel, l’artiste représente une lanceuse de javelot, en référence à l’affiche des jeux de 1924, mais aussi des sportifs des nouvelles disciplines, comme le skateboard et le breakdance : un style de danse développé à New-York dans les années 1970, caractérisé par des mouvements de corps saccadés, des figures au sol et acrobaties.
Autre événement de l’actualité auquel Marjane Satrapi prend part : la révolte féministe en Iran débutée en 2022 après la mort de Masha Amini, tuée pour avoir mal porté le voile. En 2023, Marjane Satrapi coordonne le projet Femme, Vie, Liberté, roman graphique en soutien à cette révolte, publié aux éditions l’Iconoclaste.

Accompagnée de trois spécialistes du sujet et de dix-sept dessinateurs et dessinatrices, 192 planches dessinées mettent en image le mouvement de contestation éponyme. La diversité des plumes permet la diversité artistique. À travers des photographies, des anecdotes illustrées, des passages rédigés, des dessins sobres, le lecteur plonge dans les horreurs du conflit. Cet ouvrage contestataire donne une nouvelle visibilité au conflit et permet de mieux comprendre les enjeux contemporains iraniens. Œuvre pédagogique militante, elle retrace la genèse du pays, l’histoire des premières révolutions et des différents régimes politiques successifs par le biais de dates clés, personnages historiques et symboles. Dédié à la jeunesse iranienne, ce projet est traduit en persan et diffusé sur des centaines de sites internet iraniens. Seule ombre au tableau, l’infériorité numérique d’artistes iraniens et de femmes pour sa réalisation.

Marjane Satrapi est une auteure internationale, reconnue par les institutions du monde de la bande dessinée. Également reconnue par le marché de l’art, ses originaux font régulièrement l’objet de vente aux enchères. En 2022, quarante-quatre originaux de sa série Persepolis, en provenance de la collection de l’artiste, sont dispersés sur le marché londonien. La vente prend place au moment où la révolte féministe bouleverse l’Iran. Les planches de cet album sont estimées à plusieurs milliers de livres anglaises. Parmi les records, certaines ont largement dépassé leur estimation haute. La plus haute adjudication de cette vente est de 25 200 livres sterling.

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 (Illus.) Cartel : Marjane Satrapi, Persepolis, L’Association, 2000-2003

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