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Estimation et cote de l'artiste René Goscinny
Créateur d’Astérix et Obélix et de Lucky Luke, René Goscinny a profondément marqué l’histoire de la bande dessinée française par son humour, ses scénarios inédits mais aussi par son combat pour la reconnaissance du métier de scénariste de bande dessinée. Découvrez ici l’histoire de René Goscinny et ses œuvres emblématiques. Besoin d’une expertise René Goscinny ? Contactez l’équipe d’Estimon’objet !
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L’enfance de René Goscinny entre Buenos Aires et New-York
René Goscinny est un scénariste de bande dessinée français né le 14 août 1926 dans une famille juive originaire de Pologne et d’Ukraine. Dès 1927, sa famille part en Argentine à Buenos Aires car son père, Stanislas Goscinny, est employé par la Jewish Colonization Association, pour aider et favoriser l’émigration des Juifs d’Europe ou d’Asie sur le continent américain. René Goscinny grandit donc dans un pays multiculturel, cosmopolite et multilingue. Il étudie au lycée français de Buenos Aires et passe ses vacances en Uruguay. Très tôt, René Goscinny commence à dessiner en ayant en tête les dessins de Dante Quinterno et particulièrement l’historiera argentine – nom de la bande dessinée sud-américaine – du chef indien Patoruzù. Il est aussi fasciné par les dessins de Zig et Puce par Alain Saint-Ogan, des héros Superman et Tarzan. Il rapportera même à Paris une copie de l’album Les Pieds Nickelés de Louis Forton.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, René Goscinny et sa famille proche sont en Argentine. Toutefois, les autres membres de sa famille restés en Europe sont victimes de la Shoah et déportés. René Goscinny et sa famille n’apprennent l’existence des camps de concentration qu’à la fin de la guerre, ce qui le traumatise une bonne partie de sa vie. En 1943, la mort de son père plonge la famille dans la précarité. Obligé de travailler, René Goscinny est d’abord dessinateur dans une agence de publicité. En parallèle, il publie ses premiers dessins et textes dans le bulletin interne du collège français de Buenos Aires.
En 1945, René Goscinny et sa mère quittent Buenos Aires pour New-York. Il rejoint l’armée française en 1946 lors de son service militaire. Il devient illustrateur officiel du régiment. À la fin de son service militaire, il rentre à New-York avec pour ambition de rencontrer Walt Disney, dont les dessins circulent partout. Mais surtout, René Goscinny veut faire rire les autres. Avec ses dessins humoristiques et ses caricatures, il sollicite les éditeurs, les agences de presse et les studios de création mais n’essuie que des refus. Après cet échec, René Goscinny reste sans emploi et dépressif pendant un an et demi.
Il fait ses premiers pas dans la publicité américaine en 1948. Il fait la rencontre d’Harvey Kurtzman, le futur fondateur du magazine Mad. Ensemble, ils collaborent sur la publication d’un livre animé pour enfants qui comporte des mécanismes pour mettre en mouvement certains éléments. Ce livre, Playtime Stories, aux éditions Kunen Publishers publié en 1949, rassemble trois histoires réinterprétées par René Goscinny : Robin Hood, Pinocchio et Aladin.
René Goscinny, dessinateur de bande dessinée ?
La rencontre de René Goscinny avec l’auteur de bande dessinée belge Jijé, installé aux États-Unis, change le cours de sa carrière. Par son intermédiaire, il fait la connaissance de Morris, élève de Jijé. À l’été 1949, René Goscinny travaille pour une société d’édition de cartes postales peintes à la main. Régulièrement, il rend visite à Jijé et se forme au dessin à ses côtés. Mais Jijé remarque que René Goscinny n’a pas la même appétence pour le dessin que ses autres élèves. Il est plutôt doué pour son sens de l’humour, des gags et des mots. René Goscinny tente de créer une seule bande dessinée, Dick Dicks, où il écrit le scénario et dessine les planches. Refusé par tous les journaux et agences de presse de New-York, il envoie les planches à Jijé afin qu’il les montre à l’éditeur Charles Dupuis. Finalement, à cause d’une erreur d’acheminement du courrier, l’éditeur ne les voit jamais.
La deuxième rencontre importante pour la carrière de René Goscinny est celle de Georges Troisfontaines, directeur de la World Press, agence de presse belge spécialisée dans la diffusion de bande dessinée pour différents journaux périodiques, qui collabore étroitement avec l’éditeur Dupuis. René Goscinny se rend à Bruxelles à la World Press et présente les planches de Dick Dicks à Jean-Michel Charlier, directeur artistique. Il n’est pas emballé par le dessin mais est séduit par le scénario. Dick Dicks est alors publié dans le supplément du magazine La Wallonie. En 1951, René Goscinny est employé par la World Press et part à Paris pour travailler sur sa série. Dans le bureau des Champs-Elysées, une longue amitié et collaboration naît entre René Goscinny et Albert Uderzo. Ils publient ensemble une chronique humoristique de deux cents épisodes, Sa Majesté son mari, dans l’hebdomadaire belge Bonne Soirées.
René Goscinny est envoyé à New-York en 1952 par la World Press pour lancer le magazine télévisé TV Family. C’est un bref succès qui lui vaut la promotion de directeur artistique puis scénariste de la World Press. De retour à Paris, René Goscinny écrit des nouvelles policières publiées dans le magazine Le Moustique. Il est aussi scénariste et dessinateur du Capitaine Bibobu, publié en 1955 dans l’hebdomadaire Risque-Tout. Après cette ultime tentative, il abandonne le dessin et se consacre désormais à l’écriture.
René Goscinny, scénariste méthodique de bande dessinée
René Goscinny commence alors à développer sa méthode d’écriture. Issu d’une famille d’imprimeurs, la mise en page esthétique d’un ouvrage est centrale pour lui. Son processus d’écriture est organisé et méticuleux. Il écrit d’abord le synopsis de l’histoire qu’il divise en paragraphes détaillés. Un paragraphe correspond à une planche. Puis, il découpe chaque paragraphe car « comme pour un film, il faut décrire chaque scène et en écrire le dialogue ».
Au-delà de la bande dessinée pour enfants, René Goscinny est très tôt influencé par le cinéma. Avec son père, ils fréquentent les salles obscures projetant les films burlesques de Charlie Chaplin, des Marx Brothers et de Laurel et Hardy. Plusieurs scénarios de ses futurs albums sont des clins d’œil aux films de westerns du cinéaste John Ford. René Goscinny va d’ailleurs travailler dans le cinéma, comme producteur, réalisateur et scénariste de films. Il va lui-même réaliser les adaptations de ses albums, notamment Astérix et Cléopâtre en 1968.
Les premiers succès de René Goscinny
Le premier succès de René Goscinny est le personnage de Lucky Luke. Le personnage est créé en 1947 par Morris et son frère Louis de Bevere. Morris sollicite René Goscinny pour écrire le scénario des aventures de Lucky Luke. L’épisode Des rails sur la prairie, publié dans le magazine Spirou en 1955 est la première histoire du cow-boy scénarisée par René Goscinny. Il reprend définitivement le scénario à partir de 1958 avec Lucky Luke contre Joss Jamon et Morris se consacre au dessin. L’intervention de René Goscinny fait évoluer le personnage en lui donnant plus de profondeur. Les deux auteurs connaissent bien l’Ouest Américain et mettent en scène des personnages historiques dans les épisodes comme Calamity Jane, Billy the Kid, Roy Bean et Jesse James. La série devient alors une parodie des westerns avec des personnages récurrents qui accompagnent le héros. René Goscinny invente les personnages des frères Dalton, le chien Rantanplan et Jolly Jumper le cheval qui parle. Entre 1957 et 1977, René Goscinny et Morris publient trente-six aventures de Lucky Luke. En 1960, Lucky Luke est désormais publié par Dargaud dans le magazine Pilote afin d’assurer au personnage une meilleure diffusion sur le marché français. Lucky Luke devient un personnage iconique qui fait l’objet de dessins animés et adaptations cinématographiques.
René Goscinny rencontre Jean-Jacques Sempé dans les bureaux de la World Press. Ce dernier réalise des dessins humoristiques pour le journal Le Moustique dans lequel s’incarne un enfant prénommé Nicolas. Le journal lui demande d’en faire une bande dessinée. Jean-Jacques Sempé sollicité alors René Goscinny pour le scénario. Après avoir rompu son contrat avec Le Moustique, Sempé est contacté par le magazine Sud Ouest. Le Petit Nicolas est une œuvre à part entière dans la carrière de René Goscinny. Il y met en scène un jeune garçon qui raconte, avec ses mots et son vocabulaire d’enfant, les péripéties de sa vie, inspirées des souvenirs de Jean-Jacques Sempé. Ils publient, en 1958, dans le magazine Sud Ouest, Le Noël du Petit Nicolas qui remporte un franc succès. Toutes les semaines pendant plusieurs années, un épisode de la vie du petit garçon paraît.
La fondation du magazine Pilote, point de départ des personnages iconiques de René Goscinny
En 1959, Raymond Joly souhaite créer un magazine pour la jeunesse. Avec Jean-Michel Charlier, Albert Uderzo, René Goscinny et François Clauteaux, ils fondent le magazine de bande dessinée Pilote. René Goscinny est un des auteurs les plus productifs de ce magazine dans lequel vont naître ses personnages iconiques : Astérix et Iznogoud auxquels il se consacre jusqu’à la fin de sa vie.
Astérix est le fruit de la collaboration entre René Goscinny, scénariste, et Albert Uderzo, dessinateur. René Goscinny veut raconter l’histoire de France dans un registre comique. La période des Gaulois est inédite en bande dessinée et apparaît alors comme une évidence. Astérix est un héros malin, de petite taille et au nez arrondi, qui tranche avec les héros des bandes dessinées de l’époque. Uderzo crée un deuxième personnage imposant, livreur de menhirs. Astérix et Obélix prennent vie. Les noms des gaulois Astérix et Obélix semblent prendre leur origine dans l’atelier typographique du grand-père paternel du scénariste, en référence aux signes astérisque et obèle dont les noms anglais sont « asterisk » et « obelisk ». Les héros intègrent le journal Pilote pour son lancement le 29 octobre 1959 et dont le premier numéro s’écoule à 300 000 exemplaires.
Astérix connaît un vrai succès éditorial. Les deux premiers albums La Serpe d’or et Astérix chez les Goths sont tirés à 15 000 exemplaires. En 1965, le cap des 100 000 exemplaires est franchi avec Astérix et Cléopâtre. En 1967, Astérix et les Normands atteint le record exceptionnel de plus d’un million d’exemplaires. À cette époque, la bande dessinée est restreinte à une clientèle infantile et seul Tintin avait atteint des niveaux de ventes comparables. C’est la consécration pour René Goscinny et Albert Uderzo.
En 1960, le magazine Pilote est en difficultés financières puis racheté par Georges Dargaud. Les ventes continuent de chuter et il fait appel à René Goscinny et Jean-Michel Charlier pour relancer le journal. Ils sont nommés co-rédacteurs en chef en septembre 1963. L’ambition est de faire un magazine pour les adolescents en publiant des bandes dessinées plus inventives. René Goscinny donne un nouveau souffle au magazine en intégrant des jeunes auteurs. Il permet de révéler au grand public beaucoup de dessinateurs et auteurs comme Pierre Christin, Jean-Claude Mézières (Valérian, agent spatio-temporel) et Fred (Philémon).
Avec Jean Tabary, René Goscinny met en scène le personnage Iznogoud, d’abord publié sous le titre Les Aventures du calife Haroun-el-Poussah dans le magazine Record en 1962. L’origine de ce personnage se trouve dans Le Petit Nicolas dans lequel est racontée l’histoire d’un méchant vizir qui veut prendre la place du calife. René Goscinny fait une parodie du conte des Mille et Une Nuits. Il met en scène les péripéties du vizir qui, par tous les moyens, essaie de devenir calife sans jamais y parvenir. Dans cette série s’incarne l’humour de René Goscinny et son goût pour les calembours. Les épisodes d’Iznogoud sont publiés simultanément dans Record et Pilote. Ce personnage prend vie tout au long de la carrière de René Goscinny. Après sa mort en 1977, Jean Tabary continue les aventures du vizir.
Le combat de René Goscinny pour la reconnaissance du métier de scénariste de bande dessinée
À travers ses personnages, René Goscinny fait reconnaître le métier de scénariste comme un métier à part entière. Toute sa vie, il se bat pour la reconnaissance du métier en inscrivant son nom à côté du dessinateur. L’exemple de la collaboration entre René Goscinny et Morris pour Lucky Luke est symptomatique de cette omission du nom du scénariste. Alors qu’il écrit les scénarios de la série dès 1955, le nom de Goscinny n’apparaît sur la couverture qu’en 1962 pour l’album Les Rivaux de Painful Gulch. Jusque-là, les albums étaient signés « texte et illustrations de Morris ». Il fait un premier pas en mentionnant son nom à côté de celui du dessinateur, en haut des planches, puis sur la couverture. Enfin, il obtient la mention du nom du scénariste dans les contrats d’édition, lui octroyant des droits d’auteur.
Sa lutte pour les droits d’auteurs du scénariste de bande dessinée lui a valu un procès avec l’éditeur Dargaud. En effet, quand Georges Dargaud reprend le magazine Pilote en 1960, les relations sont difficiles. Un conflit naît à propos d’un contrat pour l’édition de Lucky Luke dont certaines mentions lèsent les intérêts des auteurs. René Goscinny refuse le contrat proposé par Dargaud mais continue à écrire le scénario de l’album Le Fil qui chante. Finalement, le contrat est signé par Morris seul et l’album est imprimé en 1975. Une fois de plus, l’intérêt de René Goscinny est négligé.
Pourtant, René Goscinny et Albert Uderzo renouvellent leur contrat pour Astérix en 1975. Après cet incident, René Goscinny fait alors mettre sous scellés les albums et demande à Albert Uderzo de ne plus dessiner les planches de l’épisode en cours : Astérix chez les Belges. Après la mort de René Goscinny, Dargaud contraint Albert Uderzo de lui remettre les planches manquantes, sous peine de dommages et intérêts. La veuve de René Goscinny, Gilberte Goscinny, s’oppose à la diffusion de l’album du Fil qui chante mais perd le procès contre Morris. En 1990, un procès contre l’éditeur Dargaud est intenté par Gilberte Goscinny et Albert Uderzo à propos des conditions d’exploitation des albums d’Astérix. En 1998, la cour d’appel de Paris leur donne gain de cause et Dargaud se voit retirer l’exploitation de tous les albums parus avant 1977.
La postérité de René Goscinny
Après la mort subite de René Goscinny en 1977, Albert Uderzo continue seul la série Astérix, tout en signant de leurs deux noms, en hommage à son ami. Si la suite ne fait pas l’unanimité auprès des lecteurs qui considèrent qu’elle a perdu en qualité, le succès commercial persiste. La série est traduite dans 700 langues et dialectes. Depuis la parution du premier album d’Astérix en 1961, plus de 370 millions d’exemplaires ont été vendus dans le monde entier.
René Goscinny a reçu de multiples hommages et est considéré comme l’un des pères de la bande dessinée française. Aujourd’hui, des récompenses de bande dessinée portent son nom : le Prix René-Goscinny du festival d’Angoulême est créé en 1988 ; mais aussi des noms d’école, de rues, etc. Sur le marché de l’art, les planches et albums proposés sont majoritairement de la main d’Albert Uderzo et du scénario de René Goscinny. Les éditions originales des albums sont les plus prisées. Mais en 2019, une planche de Dick Dicks par René Goscinny a été vendue 3 640€.
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